Ils avaient prévenu...
Depuis deux jours, les panneaux étaient là : « interdiction de stationner, élagage ». A croire que les oiseaux n’avaient pas vu la signalisation.
Il faut dire que ces deux bois noirs nous emmerdaient. D’abord, les feuilles qui s’accumulaient sur les pare-brises finissaient par obstruer les conduites, ensuite les branches qui s’étendaient au-dessus de la rue pouvaient être une menace, mais surtout les fientes sur la carrosserie quand on laissait sa voiture en-dessous de ces saletés de nids en faisaient gueuler plus d’un.
Tisserins gendarmes
Le Tisserin gendarme (Ploceus cucullatus), appelé aussi Tisserin Cap-Moor, Serin du Cap ou Sereñ Dikap sur l’Île Maurice, le Bellier ou oiseau bélier à La Réunion, est une espèce de passereaux de la famille des Ploceidae.
Le mâle d’un jaune éclatant, avec la tête sombre et le bec noir se distingue de la femelle qui possède des couleurs plus discrètes : le corps est vert-jaune, le bec gris clair. Tous les deux ont les yeux rouges, ce qui surprend qu’on les voit pour la première fois.
Zoizo bâtisseur
En dehors de ce que peuvent dire la page wiki ou la fiche de la SEOR, moi j’ai appris à les connaître parce qu’ils étaient mes voisins. Dans un deux bois noirs, pile en face de ma fenêtre, je les voyais construire patiemment leurs nids.
Papa pourquoi ils sont la tête en bas ?
Quand on a deux mains gauches et un sens de l’équilibre proche de Tonton Henri qui rentre de la boutik, on est admiratif devant ces acrobates qui bâtissent avec leur bec et leurs pattes un home sweet home en boule à facettes avec couloir inversé à base de feuilles de palmiers.
Loin de Koh Lanta, ces zoizos urbains allaient piquer leurs matériaux dans le jardin d’à côté, déplumant au passage les multipliants. Pas cool pour la voisine qui maudissait grand-maman et ses enfants.
H.L.M. : Haut Lyrisme Musical
Ils ne sont pas forcément connus pour ça, il y en a même pour qui c’est insupportable; ça leur met les nerfs en pelote mais moi, j’aimais bien de grand matin les entendre piailler et s’activer dans leurs bois noirs. Rien à voir avec le merle péi ou son cousin de Maurice, mais cela me suffisait à moi. Les colonies de béliers sont des vrais lotissements en boule, toujours en rénovation, une kermesse du BTP.
Bien avant que les sono-loto tuné(e)s ou que les motos trafiquées viennent ambiancer la rue de leurs décibels agressifs fout’-le-faya, ces zoizos là accompagnaient mes réveils précoces ou mes couchers tardifs.
« Merde Kevin, t’as rien foutu de la journée, regarde les voisins qui se pavanent devant l’immeuble ». Quand est-ce que tu vas mettre des paillettes dans mon nid ? »
Massacre à la tronçonneuse
Ils sont arrivés vers 7h. Les béliers chantaient, les mâles allaient piquer des feuilles pour se les rouler et les femelles surveillaient de cet air de « moi, j’aurais pas mis ça là ». (ndla: d’ailleurs, si ça ne leur plaît pas, elles font tomber le nid et le mâle doit recommencer !)
Le Tonton Henri, encore frais, attendait le bus quand il a vu les camions se garer.
La scène du crime était entourée de ce beau ruban rouge et blanc qui sert autant aux travaux qu’à réserver son bout de plage pour le fauteuil de mémé le dimanche sur la plage. Le FBI nous l’envie, la NASA pense à l’utiliser pour Houston, Poutine en a toujours sur lui pour ses vacances.
Je me suis dit au début qu’ils allaient juste rafraîchir la coupe, dégager un peu les oreilles et la nuque mais plus ils avançaient, plus je m’interrogeais sur le CAP coiffure : on était plus proche de la boule à zéro du service militaire que du brushing de Polnareff pour un 70es revival.
Trois heures plus tard, je reste le bec ouvert en contemplant le spectacle funèbre. Le bois noir n’est plus, les nids ont été passés à la broyeuse avec les branches, et quelques béliers s’accrochent aux maigres branches survivantes se demandant pourquoi le ciel leur est tombé sur la tête.
Posés plus loin sur le câble électrique, ceux-là regardent le vide. Ce ne sont que des sales piafs qui ont tendance à s’attaquer aux arbres voisins et (faire) chier (sur) les voisins mais c’était mon ti coin de zoizos dans la rue. Le bois noir est une espèce invasive, les branches repousseront et referont des feuilles dorés si un parking ne pousse pas à leur place, mais en attendant…
Papa, j’entends plus les oiseaux !
Ils ont tué grand-maman !
Il y avait du temps de grand-maman
Des fleurs qui poussaient dans son jardin
Le temps a passé seules restent les pensées
Et dans tes mains il ne reste plus rien
Qui a tué grand-maman, est-ce le temps
Ou les hommes qui n’ont plus l’ temps
D’passer le temps?
La la la la la la…
Il y avait du temps de grand-maman
Du silence à écouter
Des branches sur les arbres, des feuilles sur les branches
Des oiseaux sur les feuilles et qui chantaient
Qui a tué grand-maman, est-ce le temps
Ou les hommes qui n’ont plus l’ temps
D’passer le temps?
La la la la la la…
Le bulldozer a tué grand-maman
Et changé ses fleurs en marteaux-piqueurs
Les oiseaux pour chanter ne trouvent que des chantiers
Est-ce pour cela que l’on te pleure?
Qui a tué grand-maman, est-ce le temps
Ou les hommes qui n’ont plus l’ temps
D’passer le temps?
La la la la la la…
M. Polnareff
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